Depuis quelques semaines, notre pays traverse une crise sanitaire majeure comme il en a rarement connu. Des mesures fortes ont été annoncées par le président de la République en date du 16 mars afin de limiter la propagation du COVID-19. Force est de constater que la thanatopraxie, comme à son habitude, est passée entre les mailles du filet et qu’aucune annonce claire la concernant n’est ressortie du discours présidentiel.

Étonnant? Non. En effet, nous ne sommes qu’une toute petite corporation de quelques centaines de pratiquants dont la voix n’a jamais pu réellement se faire entendre. Il faut dire aussi qu’actuellement, et malgré ce que le SPTIS (Syndicat Professionnel des Thanatopracteurs Indépendants et Salariés, NDLR) peut avancer, aucune instance ni aucune organisation n’est, en réalité, représentative de l’ensemble des thanatopracteurs en exercice. Ainsi chacun porte sa croix.

PRATIQUE DES SOINS FUNÉRAIRES INTERDITE DANS UN PREMIER TEMPS

Depuis ces derniers jours, des recommandations ont été annoncées notamment par les préfectures concernant la gestion des défunts infectés par le COVID-19. Il en est ressorti, et j’ose espérer après consultation d’instances scientifiques, que la pratique de la thanatopraxie, sur les personnes infectées par le virus et uniquement, est proscrite.
Dès lors, on a pu entendre s’élever un certain nombre de voix criant au scandale et souhaitant l’interdiction TOTALE des soins de conservation sur l’ENSEMBLE des défunts et ce, jusqu’à la fin de cette crise sanitaire.

L’argument avancé est le suivant: en tant que thanatopracteurs nous nous déplaçons de salles de soins en salles de soins pas systématiquement désinfectées après notre passage et par notre acte, nous déposons toutes sortes d’éléments pathogènes dans ces mêmes salles propageant ainsi une charge virale et mettant en danger le personnel des pompes funèbres.

Nous pouvons entendre cette inquiétude, la comprendre aussi mais ne pas pour autant la partager. Réel élan de générosité? Instinct de survie? Je ne saurais le dire mais comme dit le dicton: la peur n’évite pas le danger.

Personnellement, je suis bien plus anxieux et moins serein ces derniers temps quant à la pratique de mon métier mais l’idée de poser les valises m’est encore plus insupportable. Et retournement de situation, en date du 24 mars, le HCSP (haut Conseil à la Santé Publique, NDLR) revient sur ses recommandations.

En effet, au vu des nouvelles connaissances concernant le virus, il en ressort que la présentation des défunts infectés est possible sous couvert des barrières physiques habituelles en cas de corps contagieux. Toujours pas de soins mais terminée la mise en bière immédiate. Il faut prendre note de ces nouvelles recommandations.

COVID-19 / VIH MÊMES DÉBATS

Personnellement, j’ai l’impression de revivre les mêmes débats, quelques mois en arrière, concernant les soins sur les personnes atteintes du VIH et des hépatites virales. À l’époque, je m’étais moi-même insurgé contre cette nouvelle législation mais comme dit le dicton: seuls les imbéciles (pour être poli) ne changent pas d’avis.

En effet, j’ai revu mon jugement estimant que le principe de précaution et le port des Equipements de Protection Individuels (EPI) était un combat plus noble et bien plus logique pour l’avenir de notre profession. Il me serait alors difficile et non crédible de prôner une argumentation différente concernant le coronavirus. Petit aparté, les principaux modes de transmission du virus (peau à peau, respiration, postillons…) ne concernent que faiblement les défunts, on ne va se mentir…

Comme pour les VIH ou VHC avant la nouvelle législation, nous serons amenés à traiter des cas de COVID-19 infectés non avérés ou dans l’ignorance même de leur infection. Bien que l’acte de thanatopraxie ne soit pas une obligation en soi, j’estime personnellement que nous demeurons la dernière barrière sanitaire entre le défunt, la famille et le personnel des pompes funèbres, partant du principe que chaque corps traité perd (au moins en partie) son caractère infectieux.

LE LÉGISLATEUR A TRANCHÉ, À NOUS DE NOUS ADAPTER

La transition est toute trouvée. La solution idéale et les premières barrières physiques contre le virus restent les EPI. Malheureusement ces derniers ont tendance, depuis quelques jours, à devenir une denrée rare et c’est là que le bât blesse. Prioritaires ou non? Je ne me permettrais pas de rentrer dans ce débat. Le fait est que plus les jours passent, plus la difficulté de se fournir en masques à cartouches, masques FFP2 ou gants, enfle. Je ne doute pas que les instances gouvernementales et les fabricants vont travailler main dans la main les jours prochains pour ravitailler l’ensemble des corps de métier dépendants de ces EPI (soignants, ambulanciers, pompiers, forces de l’ordre, pompes funèbres…).

En attendant, je milite pour que les thanatopracteurs ayant du stock d’avance, puissent mettre l’ego surdimensionné qui nous caractérise tous, de côté, afin d’aider leurs confrères et les soignants. Je sais bien que beaucoup d’entre nous ne porte pas l’ensemble des EPI recommandés au quotidien mais nous savons le faire lorsque c’est nécessaire.

Nous avons notre pierre à apporter à l’édifice concernant la sécurité sanitaire, je suis fier d’y participer plutôt que d’être mis de côté. Aidons-nous, travaillons ensemble, protégeons-nous, laissons de côté les théories du complot et nous viendrons à bout de cette crise que traverse la thanatopraxie, une de plus et certainement pas la dernière.

BON COURAGE A TOUS